
Dans son roman « Momo », l’écrivain allemand Michael Ende a merveilleusement décrit comment la manière dont il est écouté peut transformer un être. Momo est une petite fille qui sait si bien écouter qu’elle transforme les gens en leur redonnant confiance. Ils viennent lui parler, elle n’a pas besoin de leur répondre, de leur prodiguer des conseils ; elle les écoute, simplement, et cela leur suffit pour se sentir acceptés, compris, aimés. Ils peuvent dès lors répondre d’eux-mêmes et changer de comportement. L’écoute est donc une forme d’amour, d’empathie et de compréhension. Si Momo fait du bien à ceux qu’elle écoute, c’est qu’elle ne juge pas ce qu’ils lui confient. Et en ne jugeant pas, elle leur donne le courage de dire tout ce qu’ils ont dans et sur le cœur. Sentir que cette petite fille les écoute sans porter de jugement, qu’elle les accepte tels qu’ils sont, ne peut qu’être bienfaisant, car cela les libère de la peur de ce qu’ils portent en eux et qu’ils aimeraient refouler. (Anselm Grün, Écouter et regarder avec son cœur, Ed. Salvator, 2018)
Le nouveau texte “Mission de l’École Chrétienne” rappelle combien « dans la tradition chrétienne, la personne est d’abord considérée comme un être de relation ». C’est ainsi que tout récemment, a été proposée aux écoles qui le souhaitaient, cette intuition d’un nouveau « ministère de l’Écoute » …
La genèse du projet… et ses pourtours.
Nous réalisons tous à quel point certains jeunes sont en souffrance et ne se sentent plus « être en relation » ni à la maison, ni à l’école. Or, chacun sait que des espaces existent déjà dans certains établissements tels que des groupes Ecoute’Emoi, “Bulle d’air”, CRAN, Seb, No Blame, etc… où ils peuvent se confier et déposer des soucis souvent liés à du harcèlement comme l’explique Catherine, une des initiatrices du projet.
Le frère Alois de Taizé, fort de sa très longue expérience d’écoute au sein de cette Communauté œcuménique, a lancé un appel pressant à susciter, dans les lieux où vivent les jeunes, des « cœurs qui écoutent ».
Depuis lors, une petite équipe a réfléchi à une façon d’être mieux « à l’écoute » des jeunes, pour répondre à ce besoin de plus en plus urgent « sans pour autant nous substituer au travail essentiel réalisé par les Centres PMS ! Dans ce souci-là, poursuit Catherine, nous avons rencontré Sophie de Kuyssche (Secrétaire générale – Secrétariat général de l’Enseignement catholique – Fédération des Centres PMS libres) qui estime qu’il n’y a jamais trop de personnes pour soutenir les jeunes dans les écoles et qu’en conséquence, il y a de la place pour une structure d’écoute de bénévoles. Ceux-ci seraient invités, si nécessaire, à orienter certains jeunes vers des ‘professionnels’ internes ou externes, en accord avec la direction. Sophie de Kuyssche demande que ces “écoutants” aient des missions définies et connues de tous (professeurs-direction-PMS). L’extrait tiré du livre d’Anselm Grün pourrait servir de balise… »
Concrètement…
Il existe déjà dans les écoles, des personnes qui sont de réelles présences auprès des jeunes ; des personnes qui, spontanément et gratuitement, “écoutent”. Il s’agit parfois d’un professeur, d’un éducateur, d’un bibliothécaire, d’un membre du personnel ouvrier, d’un retraité familier des lieux…
Mais quand il n’y en a pas, quelques personnes ressources extérieures à l’école ont été formées à une écoute ajustée et ont accepté de donner quelques heures pour se mettre à l’écoute dans les écoles qui le demandaient. Il s’agit d’anciens parents, de professeurs pensionnés ou simplement de personnes d’écoute, qui ont accepté de se mettre bénévolement au service des jeunes…
L’idée du projet c’est d’abord de leur proposer un espace de formation mais aussi, trois fois dans l’année, un temps de rencontre, de partage et de relecture de leur expérience d’écoute, ainsi que l’une ou l’autre conférence sur les grands enjeux auxquels sont confrontés les jeunes d’aujourd’hui.
Ensuite, … il fallait se lancer à l’eau ! A partir du mois de mai, quelques-uns de ces bénévoles ont rencontré directions, professeurs et éducateurs pour dans un premier temps, sentir ensemble comment entrer en relation et au service des jeunes de la manière la plus ajustée, en alliance avec toutes les personnes qui œuvrent déjà au service de la jeunesse… mais qui sont souvent débordées ! Ce sera parfois en servant de la soupe, ou en habitant d’une présence silencieuse l’oratoire de l’école, ou encore en marchant dans la cour comme le faisait jadis le frère Mutien-Marie, en rencontrant des jeunes lors des « jours blancs », autour d’un atelier jeux de société…. Place à la créativité d’un cœur qui écoute ! L’important, c’est qu’à travers la présence et l’écoute de ces bénévoles, les jeunes puissent une tout petit peu « déposer leurs paquets, les partager à quelqu’un puis repartir un peu plus allégés », et que de cette manière, grâce à un bon regard posé sur eux, ils puissent sentir qu’ils valent quelque chose. Une autre manière d’espérer « qu’ils aient la Vie et qu’ils L’aient en abondance » (Jn 10, 10).
Affaire à suivre…
L’équipe porteuse du projet :
Alexandra Boux, Pastorale scolaire BXL-BW et professeur de Religion ; Bénédicte d’Anethan, professeur d’Histoire et Religion ; Claude Gillard, Délégué épiscopal pour l’enseignement ; Jean- Baptiste Hategekimana, Pastorale scolaire BXL-BW et professeur de Religion ; Marie Hubermont, Pastorale scolaire BXL-BW, professeur de Religion ; Catherine Jongen, Thérapeute ; Vinciane Pirotte, Responsable de service « Sens et spécificité de l’école chrétienne » pour BXL-BW ; avec l’appui de Béatrice Sepulchre et Elise Herman pour l’Equipe Sillage (Pastorale scolaire du Fondamental).