Article pour Pastoralia n°5, septembre/octobre 2020, pp.18-19
On ignore parfois quand on entre dans l’enseignement catholique, qu’on pénètre en réalité dans une fondation qui repose sur 4 colonnes. Si l’une manque, c’est qu’on manque aussi d’un quart à sa mission… Or, si les « crises » comme celle que nous venons de traverser sont aussi des moments où l’on cible, on trie et passe au crible du sens ce qu’on faisait avant sans y penser [1] alors, la crise du coronavirus a été véritablement l’occasion de re-prioriser ces 4 fondements. Relecture à l’usage de ceux qui « rentrent ».
Excellence
La première de ces 4 colonnes, c’est l’excellence. Toute fraîchement sortie de mes études, je n’avais qu’elle en tête quand j’ai commencé à enseigner. Cependant, l’excellence peut être dévastatrice si elle s’apparente à la sélection et à l’élite. Or, il s’agit bien d’excellence mais… au nom de l’Evangile ; d’un enseignement qui, comme le dit souvent Claude Gillard, ne soit pas seulement bon mais excellent ! A l’occasion de la crise, ce premier pilier aura été rudement mis à l’épreuve. Les professeurs ont-ils donné aux jeunes de la matière de qualité ? Ont-ils pu cibler l’essentiel et le meilleur de ce qui était à apprendre ? Certains élèves n’ont rien reçu du tout… D’autres ont eu en revanche, un véritable « enseignement à distance » improvisé mais non moins créatif et d’excellente qualité. Et à présent, alors que tout (ou presque) est à réinventer sur des sols mouvants de la rentrée – car rentrerons-nous normalement ? – les professeurs de l’enseignement catholique auront à garder au cœur cet aiguillon de l’excellence qui reste la raison d’être de l’école.
Primat de la personne
Second pilier, le primat de la personne. Car nous n’avons pas à enseigner que des cerveaux ! Dans nos salles de classe, assises sur leurs bancs, il y a des personnes, des jeunes venus avec toute la teneur de leurs histoires, de leurs cultures propres. Or, pendant le confinement comme jamais, on a saisi l’importance et la primauté du présentiel, des live plutôt que des mails. Heureux les profs qui ont tenu compte des difficultés des uns, des facilités des autres, des familles de 5 enfants, du milieu social de leurs élèves etc. et qui ont pu avoir une attention pour chacun !

Ouverture à la diversité
La troisième colonne qui fonde cet édifice, c’est l’ouverture à la diversité. L’enseignement catholique, s’il veut rester fidèle à lui-même, se doit d’être ouvert à tous. C’est un pari et encore une fois : au nom de l’Evangile ! Or, la tentation, c’est justement l’entre soi. Comme il serait aisé en effet, d’organiser un enseignement catholique pour les seuls catholiques ! D’aucuns accusent souvent ces derniers de perdre leur âme à jouer la carte du pluralisme convictionnel et de la diversité. Mais la ligne de crête géniale à tracer dans ce domaine, c’est de réussir à proposer l’Evangile à tout le monde : au sens de vivre tellement la Bonne Nouvelle qu’il deviendra impossible, à notre seule manière de vivre et d’enseigner, de ne pas se dire que Dieu est bon, pour paraphraser G. Gilbert.
Priorité au plus pauvre
Enfin, dernière priorité, assez liée à la précédente, c’est celle accordée au plus pauvre, au dernier. « Vous savez, me disait un directeur en m’engageant, donner à manger aux aigles est à la portée de n’importe quel professeur ; dans mon école, j’attends que vous puissiez également nourrir aussi les moineaux » Ce qui demande évidemment des trésors de pédagogie ! Or cette année, comme il y aura peu de places disponibles dans l’enseignement général (vu le petit nombre de redoublements et/ou de réorientations en juin) sur quel critère inscrirons-nous les jeunes qui viendront frapper aux portes des écoles ? Sur base de leurs résultats scolaires ? De leur ancrage socio-culturel ? Là encore, il nous faudra faire bouger les lignes. Prioriser. Faire des choix, privilégier les plus pauvres… toujours au nom de l’Evangile.
Alors si finalement cette crise que nous avons traversée, ce désert brûlant, nous avait obligés à revoir nos fondamentaux et à repartir, comme Abraham, dérouté mais sûr d’une seule chose : qu’avec la foi comme héritage – même sans savoir où il irait, il ne se tromperait pas de chemin (Heb 11,8). Souhaitons longue vie à un tel enseignement catholique bâti sur le roc de ces 4 colonnes !
Alexandra Boux
[1] Comme l’a rappelé récemment Myriam Gesché dans sa très belle lettre aux collaborateurs de l’enseignement.